LIONEL SCHERER

Exil

 

 

 

petites baronnies se signalent par leur incompétence

goût du travail non fait

autosatisfaction

incapables d’embrasser l’idéal

sournoises têtes baissées

médiocrité reine d’un sabbat mou

fiançailles marketing et pouvoir de si peu

 

le monde est un théâtre

et la mascarade peine

abrutissement dépasse tous les espoirs

sont permis la veulerie la tiédeur

la fange et la dénonciation

 

le désespoir est pauvre

le chic c’est le cynisme

qui met sur les épaules

des tics de machine molle

dopée tel un cycliste

 

plus personne n’y croit

un pied là devant l’autre

brûlons toute l’opprobre

effaçons tout

qu’il ne reste plus trace

la marche de la mort suicidaire quitte Auschwitz

on voudrait s’engloutir

mais le cristal amour

dans nos pupilles exquises parfois de lassitude

ne lâche pas de lest

et nous condamne à être

alors qu’on en veut plus

et fait de nous des traîtres

à l’intime ressenti

 

on se dévore alors

cherchant le bain de sang

on vient juste d’éclore

rêvant de foutre le camp pieds nus

sur des charbons ardents

 

drogué de solitude d’ermitage-rancœur

je prépare en substance des suicides amateurs

overdose kétamine sur des plages indiennes

sauts calcaires signifiants écriture minérale

ou me dissoudre en toi

pour que nos grands écarts tellement écartelés

nous disloquent enfin vers l’irréalité

 

on en peut plus de lever la jambe

et d’inventer des regards francs

vos espoirs me fatiguent

à mort tous les béats

vive les monstres froids

chiens galleux, loups lubriques, affairistes,

vous avez tout noirci

je sais dans le jus fou

de l’énergie-esprit

à la vitesse de la lumière

l’infini paradis

 

si tu es toi, je t’y emmène

 

les autres, dévorez-vous

les uns les autres

je m’en fous

je suis d’ores et déjà, mort une fois,

en exil à moi-même.